Cette carte montre que, jusqu'au treizième jour suivant l'explosion aérienne, le 13 février 1960, de Gerboise Bleue, la première bombe française, les retombées radioactives se sont étendues à toute l'Afrique de l'Ouest, au sud-est jusqu'à la Centrafrique, ainsi qu'au nord, sur la côte espagnole et la Sicile.
« Les militaires reconnaissent qu'à certains endroits les normes de sécurité ont été largement dépassées : à Arak, près de Tamanrasset, où l'eau a été fortement contaminée, mais aussi dans la capitale tchadienne de N'Djamena », écrit Le Parisien.
DES RADIOÉLÉMENTS NOCIFS POUR LA SANTÉ
« La carte du zonage des retombées montre que certains radioéléments éjectés par les explosions aériennes, tel l'iode 131 ou le césium 137, ont pu être inhalés par les populations malgré leur dilution dans l'atmosphère », affirme Bruno Barillot, un spécialiste des essais nucléaires cité par Le Parisien. Or, selon cet expert, « personne n'ignore aujourd'hui que ces éléments radioactifs sont à l'origine de cancers ou de maladies cardio-vasculaires ».
« Classée secret-défense par l'armée pendant des décennies », cette carte à été déclassifiée le 4 avril 2013 « dans le cadre de l'enquête pénale déclenchée par les vétérans des campagnes d'essais nucléaires français [dans le Sahara au début des années 1960, puis en Polynésie dans les années 1970] », précise le quotidien.
Ce premier novembre 2006, date anniversaire du déclenchement de la révolution algérienne, est une autre occasion de rappeler à nos mémoires et à celles du monde l’un des nombreux crimes du colonialisme français, une atrocité, un acte barbare : les premiers essais nucléaires français dans le Sahara algérien utilisant des cobayes humains algériens.
Le 22 juillet 1958 la décision du général de Gaulle fixait la date de la première explosion expérimentale au 1er trimestre 1960. De leur côté, les armées avaient déjà créé en février 1956 le Groupe d’études des expérimentations spéciales sous la direction du Commandant des armes spéciales de l’armée de Terre et, en juillet 1957, elles décidaient d’implanter un champ de tirs nucléaires près de Reggane, oasis située à 150 km d’Adrar, dans le Sud algérien. Le programme a commencé par l’installation de la base-vie (photo 1) des militaires français à 12 km à l’est de Reggane. Une base qui a compté près de 3000 hommes. Et malgré le moratoire décidé en 1958 par les USA, l’ex-URSS et la Grande Bretagne interdisant les essais nucléaires atmosphériques, la France déclenche sa première série d’essais atmosphériques utilisant des bombes au plutonium et à l’uranium. Les tirs étaient effectués à partir d’une tour. Sous le nom de code Gerboise bleue, le 13 février 1960, à 7 h 04, à 40 km au sud de Reggane, avait lieu le premier tir nucléaire français, la bombe atomique française ou bombe A.
Hamoudia a été le point zéro de l’explosion. La bombe A avait atteint une puissance de feu nucléaire estimée à trois fois la puissance de la bombe larguée sur Hiroshima ! Et la France entrait dans le club des puissances nucléaires militaires, saluée par un « Hourra ! » du général de Gaulle et un titre à la une du journal Le Monde.
D’autres explosions aériennes ont suivi au même endroit, Gerboise blanche (1er avril 1960), Gerboises rouge (27 décembre 1960) et verte (25 avril 1961). Lors de ce dernier tir du 25 avril 1961 (gerboise verte) la bombe n’explosa pas conformément aux directives, « 195 soldats furent irradiés dont une dizaine mourront contaminés ». A partir du 7 novembre 1961 les autorités françaises décidèrent d’effectuer les prochains tirs atomiques dans des galeries souterraines creusées dans les montagnes du désert, au Hoggar, notamment à In Eker à 150km au nord de Tamanrasset, dans le Sud-Ouest Algérien.
L’objectif étant d’éviter toute contamination de l’environnement car toute « la poussière dégagée au cours de l’explosion ainsi que les gaz radioactifs étaient ainsi confinés dans le cône d’éboulis formé à l’intérieur de la chambre après l’explosion et devaient se fixer dans les roches, du moins en théorie ». Cependant le succès attendu fut un autre échec, lors du 2ème tir, le tir de Béryl (1er mai 1962) l’explosion souterraine (photo 2) provoqua l’écroulement de la montagne et libéra un nuage radioactif dans l’atmosphère. Le nuage radioactif de l’accident Béryl atteignit 2600m d’altitude et fut suivi sur une distance d’au moins 600 km. Parmi les victimes seulement 17 sont répertoriées et mortes de leucémie. Le tir suivant (Emeraude, 18 mars 1963) libère également de la radioactivité dans l’air.
De novembre 1961 à février 1966, treize tirs en galerie ont été effectués dont quatre n’ont pas été totalement contenus ou confinés. Les noms de code des tirs : Agathe, Béryl, Améthyste, Rubis, Emeraude etc. En 1966, après l’indépendance de l’Algérie, la France abandonna ses expériences au Sahara selon les accords d’Evian.
Les cobayes humains algériens, travailleurs algériens, appelés français
Cette opération étant un secret bien gardé, aucun avertissement n’a été donné à la population locale pour se prémunir des effets de la radioactivité.
Aucun scrupule n’a secoué les consciences des militaires malgré leurs connaissances des risques et traumatismes majeurs encourus par une population si proche de l’épicentre, ayant déjà une idée après les centaines de milliers de victimes à Hiroshima et Nagasaki. Au contraire, selon les nombreux témoignages, ces militaires ont poussé la barbarie à l’extrême en exposant 150 prisonniers algériens, résistants pour la plupart, ils étaient ligotés à des poteaux à environ 1 km de l’épicentre, l’objectif « scientifique » étant de voir les effets des radiations sur ces cobayes humains.
Le témoignage de M. Chennafi, « un sexagénaire, enlevé avec cinq de ses amis de Staouéli (ouest d’Alger) à Reggane où ils devaient travailler jour et nuit et préparer l’installation de la bombe nucléaire : « Après l’explosion de cette bombe, les victimes étaient parties en fumée. Même les ossements ont disparu ». Plusieurs militaires et médecins Français ont confirmé l’utilisation par l’armée française d’habitants de la région ou de Ghardaia afin de "tester l’effet des radiations" sur eux. Ces derniers ont été placés dans les lieues servant de théâtre des opérations sans protection aucune. Les survivants n’ont bénéficié d’aucun traitement contre les radiations nucléaires par la suite.
Les effets des essais nucléaires, atmosphériques à Reggane et souterrains à Tamanrasset, continuent à se faire ressentir avec des pathologies caractéristiques des radiations. Bien que les morts n’aient pas été recensés car considérés morts de mort naturelle à l’époque faute d’encadrement sanitaire, les maladies sont évidentes même chez les animaux.
Ainsi, comme démontré par de nombreuses études, les populations de Reggane et d’In Ekker à Tamanrasset souffrent encore des effets de ces essais qui ont coûté la vie à des milliers de personnes et engendré des maladies graves. A Reggane où les essais ont été atmosphériques et ont couvert une vaste zone non protégée, selon le Pr. Aboudi, les cancers notamment les leucémies dépassent de manière sensible la moyenne dans la région où l’on constate également des cas de malformations chez les nouveaux-nés et une baisse de fertilité des personnes. La cécité chez ce vieillard qui raconte comment la lumière de l’explosion a brûlé ses yeux.
Dans la région de In Eker, mieux protégés que Reggane car les tirs étaient souterrains malgré les échecs de certains, le Pr. Aboudi a constaté que 10 chameaux sur 60 présentaient des leucémies et des changements dans leur hématologie.
D’autres témoignages dont ceux de Mr Bendjebbar, parlent de la sécheresse qui a frappé la région de Reggane, la mort des animaux et la disparition de la végétation. Brebis et chamelles mettant bas des « monstres ».
Par ailleurs, des milliers de travailleurs algériens et un groupe d’appelés français ont été exposés sciemment aux explosions sans protection alors que des personnalités présentes ont bénéficié de combinaisons et de masque anti-gaz. Selon les données « 24 000 civils et militaires ont été utilisés dans ces explosions sans compter la population de la région ».
Ces « Irradiés de la République », Français victimes des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie française, ont officiellement déposé plainte auprès de la justice française. Ceux qui ne sont pas morts souffrent de maladies nombreuses dont « des cancers du sang, de la thyroïde, de la bouche, des poumons, de la peau, des glaucomes, des problèmes cardiaques.
Ils ont transmis sans le savoir des affections génétiques à leur descendance ».
Qu’en est-il des victimes algériennes qui continuent de souffrir et meurent en silence ?
Dégâts sur l’environnement
Les effets dévastateurs de ces essais consistent dans la radioactivité et la pollution qui a ravagé tout l’écosystème de la région et même des pays voisins. Il est reconnu que les essais atmosphériques en particulier se sont avérés très polluants en irradiant le sol algérien tout en causant un grave préjudice écologique dont témoignent encore les roches noires et les terres brûlées où aucune végétation ne pousse.
Ce qui est constaté dans la région de Tamanrasset à 150 km du site d’In Ekker c’est la disparition de l’eau potable qui pourrait avoir un lien avec le site atomique, les explosions causant des déplacements tectoniques, voire des séismes.
Dans les wilayas d’Adrar et de Tamanrasset les centaines de KT des bombes ont libéré des radiations qui ont couvert des superficies s’étendant sur des centaines de Km, 150 Km de long selon le rapport du CEA de 1960 et sur un rayon de 80 Km selon les chercheurs. Les bombes fabriquées avec du plutonium, connu pour être plus toxique que l’uranium, sont un véritable poison pour l’environnement et les humains. Le plutonium utilisé dans ces bombes demande 24 000 ans pour que diminue la moitié de ses effets toujours selon les chercheurs.
Quarante ans après la fin des essais, la persistance de la menace radioactive pèse toujours sur une large portion du territoire algérien surtout que la puissance des vents sahariens a du disperser les éléments radioactifs sur une très grande surface.
Ces essais ont ainsi provoqué des catastrophes environnementales et humanitaires que l’Etat Français n’a pas voulu reconnaître jusqu’à présent. Il persiste à nier les conséquences des radiations sur les victimes en particulier les populations locales.
Quand la France se décidera-t-elle à demander pardon pour tous les crimes commis au nom de la République sur tout un peuple dont même la descendance continue de subir les conséquences de cette colonisation où la barbarie des civilisateurs a atteint son paroxysme ?
Quand la France se décidera-t-elle à demander pardon au peuple algérien ? Quand la France aura-t-elle honte de son passé colonial en Algérie ?
1er novembre 1954 : début de la guerre d’Algérie
Visualiser une vidéo sur le colonialisme français en Algerie :"Les 3 couleurs de l’Empire" documentaire sur l’empire colonial de la France de Jean-Claude Guidicelli et Virginie Adoutte (2001), coproduit par Arte France et Riff International Productions. 1h10 min
Présentation :
Colonisée au nom de valeurs humanistes, l’Algérie symbolisa pendant presque un siècle et demi l’utopie coloniale française. Examinant la manière dont la France a géré son « image », ce documentaire retrace les étapes de « l’idée coloniale », dont les principes n’ont pas totalement disparu. Sûre de sa mission civilisatrice et désireuse de construire un empire puissant pouvant rivaliser avec celui du Royaume-Uni, la France entreprend, dès 1830, de conquérir l’Algérie. Les soldats, les ingénieurs puis les colons agriculteurs venus de toute la France, et même de toute l’Europe, s’emparent du territoire. Massacre des opposants, expropriation des indigènes, entreprise de « désislamisation », installation d’industries et construction de voies de communication... Tout est légitimé par une certaine idée du progrès et la nécessité d’une Algérie « française ».
La colonisation est aussi une affaire d’images et de propagande. L’Agence générale des colonies, créée en 1919, contrôle plus de 80 % des images venant des colonies françaises. Malgré les voix discordantes - notamment celles de saint-simoniens, de voyageurs, d’écrivains et d’indigènes -, la politique coloniale de la France continue d’afficher ses valeurs républicaines et humanistes. Elle atteint son apogée lors de l’exposition coloniale de 1931. Développant l’idée d’une hiérarchie entre les communautés et la notion de « races », les tenants de l’empire vont bientôt devoir affronter les soulèvements de ceux qu’ils ont « éduqués » pendant un peu plus d’un siècle...
Source : www.planetenonviolence.org
AVoir : http://hoggar-cemo.blogspot.fr/p/la-base-d-in-amguel.html
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