Les réfugiés chassés de chez eux par la crise nucléaire de Fukushima n'ont pas le coeur à célébrer une nouvelle année dont ils disent ne pas avoir grand-chose à attendre.
Dans la zone sinistrée, en juillet 2011. (photo: Keystone/AP)
Le 1er janvier est l'une des fêtes les plus importantes pour les Japonais, qui profitent de ces quelques jours de congés pour se réunir en famille, visiter des temples et faire des agapes.
Mais ce réveillon sera certainement empreint de tristesse pour les dizaines de milliers de personnes forcées de fuir en quelques heures leur domicile lorsque les réacteurs de la centrale nucléaire Fukushima Daiichi ont commencé à cracher des particules radioactives, après le passage du tsunami géant du 11 mars.
«Je ne peux pas dire bonne année»
Beaucoup des quelque 1.000 réfugiés accueillis dans une tour de 36 étages de Tokyo confient que l'humeur n'est pas à la célébration, après les mois terribles qu'ils viennent de vivre.
«Je ne peux pas dire bonne année cette année car je ne me sens pas heureux», déclare à l'AFP Yuji Takahashi, qui habite depuis avril dans cet immeuble appartenant au gouvernement.
Le séisme de magnitude 9 qui a déclenché un gigantesque tsunami sur les côtes nord-est du Japon, a également fait quelque 20.000 morts et disparus.
Les années précédentes, les membres de la famille de M. Takahashi se réunissaient dans sa maison de Tomioka, située à 6 kilomètres de la centrale nucléaire, pour boire du saké et déguster les plats d'«osechi», confectionnés traditionnellement pour le Nouvel An à base de légumes du potager.
«C'était si bien, si joyeux, mais je ne peux pas le faire cette année», regrette cet ancien instituteur de 68 ans.
Vie changée de fond en comble
«Ma vie a complètement changé. Je ne sais pas pendant combien de temps je vais devoir vivre comme ça. C'est le plus désespérant. Je préférerais presque que le gouvernement nous dise que nous ne pourrons jamais revenir chez nous. J'essaye de me préparer au pire.»
Le Japon a annoncé que le démantèlement des réacteurs endommagés par le tsunami pourrait prendre 40 ans et que certaines zones proches du site pourraient être inhabitables pendant plusieurs décennies.
Shigeko Sasaki, dont la maison à Namie a été emportée par le raz-de-marée, est en colère contre le gouvernement qui l'a hébergée dans un immeuble surplombant la baie de Tokyo.
«J'ai peur de l'eau», dit-elle. «Pourquoi (le gouvernement) nous a-t-il mis si près de la mer? Au début, j'ai cru que je ne pourrais pas vivre ici.»
Depuis, cette femme de 61 ans s'est habituée à regarder la mer qui a si cruellement ruiné sa vie. Mais elle ne peut pas s'empêcher de voir l'avenir en noir.
«Nous devons trouver un endroit où nous fixer, et tous les gens avec lesquels j'ai sympathisé ici vont à nouveau être dispersés», regrette Mme Sasaki.
Réacteurs sous contrôle
A la mi-décembre, le premier ministre Yoshihiko Noda a annoncé que les réacteurs de Fukushima étaient désormais sous contrôle. Le gouvernement va en conséquence procéder d'ici avril à un redécoupage des zones d'habitation autour de la centrale en fonction des niveaux de radioactivité.
Mais Kozo Misawa, 69 ans, dont la maison et le restaurant sont situés dans une zone qui pourrait être de nouveau considérée comme «habitable», ne s'en réjouit pas pour autant car, dit-il, les communautés qui vivaient là-bas ont toutes été détruites.
«C'est facile pour le gouvernement de dire: C'est réglé. Vous pouvez rentrer chez vous , mais comment pouvons-nous retrouver notre vie d'avant?»
Il pense que même si la zone est rouverte, beaucoup de commerces, de restaurants et d'hôpitaux qui font l'âme d'une ville risquent de rester fermés.
«C'est dur de vivre sans savoir où l'on va», reconnaît M. Misawa, qui n'a pas encore décidé s'il allait regagner son domicile à Minamisoma, au printemps prochain.
Il a même renoncé cette année à envoyer des cartes de voeux, une tradition pourtant scrupuleusement respectée au Japon. «Nous n'avons pas le coeur à écrire bonne et heureuse année », confie-t-il.
(afp)
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